Terrorisme
en questions ?

Ils n’auront pas notre démocratie

La sécurité au prix de la liberté et de la démocratie ?

La fiche « Souriez, je suis protégé » rappelle les fondements, les conditions d’existence, de nos démocraties. Elle souligne que ces fondements – la séparation des pouvoirs, la hiérarchie des normes et notamment le respect des droits fondamentaux – sont mis à mal par la lutte contre le terrorisme. Avec des exemples de législations issues des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de la Belgique, la fiche « Surveillez, j’ai rien à me reprocher » illustre cette problématique en détaillant l’option sécuritaire largement suivie par nos États modernes. Une « sécurité » qui s’oppose à la liberté. La question qui traverse ces deux fiches est la suivante : sommes-nous toujours en démocratie ? Le texte qui suit propose de prolonger ce questionnement en nous arrêtant un peu plus longuement sur la Belgique et les conséquences de la lutte contre le terrorisme sur notre système démocratique.

Car dans notre pays aussi les deux tendances lourdes de la lutte contre le terrorisme s’observent1 : une séparation toujours moins marquée des pouvoirs révélant l’élargissement continu du pouvoir exécutif au détriment du pouvoir judiciaire ainsi que la multiplication des atteintes aux droits fondamentaux, progressivement subordonnés à un droit invoqué à la sécurité.

La médiatisation (cf. fiche « Je sais, je l’ai vu à la télé ») des attentats qualifiés de terroristes qui ont eu lieu sur nos territoires a systématiquement engendré des propositions législatives et politiques symboliquement proportionnés aux sentiments de peur et de colère qui traversent nos sociétés pendant ces moments-là : déploiement de l’armée dans les rues, déchéance de nationalité, généralisation du contrôle et du fichage, levée progressive du secret professionnel, extension des prérogatives de la police, etc. (cf. fiches « Surveillez, j’ai rien à me reprocher » et « Souriez, je suis protégé »)

Souvent pourtant, ces symboles forts dépassent le régime normal de protection des droits humains. Ils sont attentatoires à nos droits fondamentaux et à nos libertés politiques. Or, si l’État peut restreindre nos droits et libertés, il doit le faire dans des circonstances très strictes, notamment en terme de limitation dans le temps (cf. fiche « Souriez, je suis protégé »). Des conditions qui sont de moins en moins respectées. Un régime d’exception s’installe qui érode progressivement notre démocratie.

Des sacrifices au nom de l’efficacité

Beaucoup de ces initiatives poursuivent des objectifs d’efficacité, et donc de rapidité. Elles entretiennent le projet de prévenir la commission d’autres attentats et suivent bien souvent, pour viser cet objectif, des procédures très intrusives en matière de droits fondamentaux.
C’est ainsi qu’en Belgique comme ailleurs, cet appétit pour l’efficacité augmente continuellement les compétences et les prérogatives du pouvoir exécutif : le gouvernement fédéral, qui a la tutelle sur les services de sécurité, et les bourgmestres qui sont chef·fe·s des zones de police locales.

L’utilisation croissante du droit pénal comme instrument de prévention

L’extension des prérogatives et des compétences du pouvoir exécutif profite également au Ministère public2 (le Parquet), à l’intérieur du pouvoir judiciaire. Ici, par exemple, cette volonté d’être efficace s’illustre par l’utilisation de plus en plus large du droit pénal[****Le droit pénal (ou droit criminel) est défini par Wikipédia comme « une branche du droit qui détermine des comportements antisociaux – les infractions – et prévoit la réaction de la société envers ces comportements. La réponse pénale prend le plus souvent la forme d’une peine. Le droit pénal concerne ainsi le rapport entre la société et l’individu ; il est souvent opposé au droit civil, qui concerne les rapports entre des personnes morales ou physiques. Il s’articule avec les règles de procédure pénale, qui fixent le cadre juridique que doivent respecter l’enquête, la poursuite, le jugement et l’exécution de la peine visant une personne soupçonnée, et le cas échéant condamnée, pour la commission d’une infraction. »] comme instrument de prévention via notamment, différentes modifications du Code de la procédure pénale et de réformes des méthodes de recherche et d’enquête spéciales3.

Une des tendances principales de ces réformes est la suppression progressive
du juge d’instruction[****Le juge d’instruction est « un juge du tribunal de première instance spécialement désigné pour diriger des instructions. S’il existe des indices d’un délit, le juge d’instruction peut ouvrir une instruction à la demande du procureur du Roi ou de la victime qui se constitue partie civile. Une instruction est l’ensemble des devoirs d’enquête réalisés pour dépister les auteurs de délits, rassembler des preuves et prendre des mesures afin de porter éventuellement l’affaire devant le tribunal. Le juge d’instruction est totalement indépendant. Il recherche (seul) la vérité. Dans ce cadre, il doit examiner tant les éléments favorables au suspect que les éléments qui lui sont défavorables. On parle à ce propos d’enquête ‘ à charge ’ et ‘ à décharge ’ ».], auquel les devoirs d’enquête sont de plus en plus rarement confiés. Plus précisément, le/la juge d’instruction est de plus en plus consulté·e au cas par cas par le Parquet pour autoriser des actes qui enfreignent les libertés – ce qu’on appelle le mécanisme de la « mini-instruction », qui autorise le/la procureur·e du Roi à requérir du/de la juge d’instruction l’accomplissement d’un acte isolé portant atteinte aux droits fondamentaux. Auparavant, la norme voulait que le/la juge d’instruction ait la responsabilité complète d’une enquête.

Cette suppression progressive se fait au profit du Ministère public, qui se voit doté de plus en plus de compétences d’enquête. C’est ainsi que, bien que l’article 28 du Code d’instruction criminelle stipule que « sauf les exceptions prévues par la loi, les actes d’information[qui sont des actes menés par le Parquet, ndlr] ne peuvent comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels » du ressort du/de la juge d’instruction, force est de constater que les exceptions se sont multipliées au fil du temps au point que ce qui doit être une exception devient progressivement la règle.

À titres d’exemples, en cas de flagrance (et situations assimilées), le/la procureur·e du Roi peut ouvrir un courrier postal, procéder à une perquisition, autoriser à tout moment un contrôle visuel discret dans un lieu privé, autoriser les services de police à entretenir des contacts sur Internet, charger l’officier de police judiciaire de requérir l’Unité d’Information des Passagers afin de communiquer les données des passager·ère·s, décider d’effectuer une recherche dans un système informatique (téléphones, ordinateurs, etc), observer des transactions bancaires ou geler provisoirement des comptes bancaires, repérer et localiser des télécommunications, ordonner une exploration corporelle, un prélèvement sanguin ou procéder à une identification par analyse ADN et mettre en œuvre des méthodes particulières de recherche (mise sur écoute, par exemple). De plus en plus donc, on confie une mission exorbitante au ministère public à qui l’on octroie « le monopole de l’enquête et de la poursuite », alors même que son indépendance n’est pas garantie.

L’utilisation de plus en plus large du droit pénal comme instrument de prévention s’illustre également par l’inflation du nombre d’incriminations4 que le Ministère public aurait à poursuivre.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de plus en plus d’incriminations ont été définies qui visent les comportements avant la commission d’un éventuel attentat.

Des incriminations dont la légalité n’est pas assurée tant elles questionnent la responsabilité de l’auteur·rice, c’est-à-dire sa volonté réelle de participer à la commission d’un attentat. C’est le cas, notamment, de l’incitation indirecte au terrorisme (cf. fiche « Surveillez, j’ai rien à me reprocher »). D’autres nouvelles incriminations laissent le champ d’interprétation extrêmement ouvert. Notons par exemple l’incrimination de « l’auto-formation en vue de commettre une infraction terroriste ». Celle-ci punit toute personne qui, en Belgique ou à l’étranger, « acquiert des connaissances par elle-même ou se forme elle-même à la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes à feu ou d’autres armes ou de substances nocives ou dangereuses, ou d’autres méthodes et techniques spécifiques en vue de commettre ou de contribuer à commettre une attaque terroriste ». Notons aussi « le départ de et/ou le retour en Belgique en vue de commettre des infractions terroristes ». Cette dernière incrimination est particulièrement problématique dans le sens où l’élément matériel semble faire défaut. En effet, le départ et l’entrée dans le territoire n’étant pas des activités en soi répréhensibles, ces infractions peuvent s’assimiler à un pur délit d’intention, pourtant banni du droit pénal depuis plus de deux siècles. C’est en effet uniquement l’intention de l’auteur·rice au moment du départ qui permettra de déterminer si l’action posée est illégale. Cela ne manquera pas de soulever d’importants problèmes de preuve.

Signalons enfin que ces nouvelles incriminations s’inscrivent dans le groupe d’incriminations d’infractions « terroristes », donc plus fort que les infractions de droit commun, qui couvre pourtant l’essentiel des actes criminels, qui date de 2003. Cette qualification de terroristes pour les infractions est problématique dans le sens où, outre que son imprécision rend impossible de prévoir tous les comportements qui sont interdits, elle se réfère constamment à l’élément intentionnel (les motivations de l’auteur·rice), pour lequel la marge d’appréciation laissée au/à la juge viole le principe de légalité5. Ainsi, l’aggravation de la peine par rapport à des mêmes faits incriminés par le droit commun, est établie en raison du seul élément intentionnel et n’apparaît donc pas justifiée objectivement. Par ailleurs, lorsque l’élément moral de l’infraction terroriste (contraindre les autorités à
(ne pas) agir…) ou l’élément matériel (interruption de la fourniture de services, blocage de moyens de transport…) correspond à des objectifs ou à des activités qui caractérisent typiquement les mouvements sociaux, cette incrimination peut mettre en danger d’autres droits fondamentaux, notamment les libertés d’expression et d’association.

Exemples d’autres dispositions « anti-terroristes » en Belgique qui questionnent notre démocratie et notre État de droit6

Les sanctions administratives communales (SAC)

La loi sur les sanctions administratives communales date de 1999 et « permet aux communes de sanctionner directement certains comportements inciviques ayant un impact négatif sur la qualité de vie des habitants de la Ville ». Ce n’est donc plus le/la juge qui est saisi des infractions liées aux incivilités mais bien un·e fonctionnaire communal·e qui va se substituer au pouvoir du/de la juge. Les buts affichés de ce glissement important du pouvoir judiciaire vers le pouvoir exécutif sont à la fois de désengorger les tribunaux et le parquet, mais aussi d’assurer qu’une sanction effective soit prononcée (les infractions pénales pour incivilité faisaient rarement l’objet de poursuite avant l’introduction de cette loi).

Des modifications substantielles au régime des SAC ont été apportées par la loi du 01 janvier 2014. Ces modifications font suite aux polémiques autour du groupe Sharia4Belgium7. Désormais, le/la bourgmestre aura également la capacité d’interdire des manifestations, des rassemblements ou des fréquentations de lieux. Trois questions relevant de droits politiques fondamentaux réduites ici à des questions de civilité et de tranquillité publique. Depuis, les exemples de sanctions communales infligées à des manifestant·e·s se multiplient de manière exponentielle, faisant porter un réel danger sur les droits politiques dévolus à chaque citoyen·ne en Belgique.

À Anvers, des citoyen·ne·s se sont par exemple vu infliger une SAC pour avoir pris part à une manifestation contre l’entreprise Monsanto. D’autres citoyen·ne·s anversois·e·s ont été sanctionné·e·s pour avoir protesté… contre les SAC. De nombreuses communes ont érigé en infraction le « manque de respect » à des corps constitués, parmi lesquels figurent les forces de police et les agents constatateurs communaux.

On voit donc que la commune devient progressivement un acteur pénal de premier plan : il est maintenant possible d’instaurer une chaîne pénale communale complète, au sein de laquelle le constat, la poursuite et l’application de la peine peuvent être confiés entièrement à des fonctionnaires communaux, qui n’ont d’ailleurs pas nécessairement une formation juridique, sans donc plus aucune garantie d’impartialité et d’indépendance.

Notons enfin que la loi sur les SAC de 2014 a permis d’élargir la liste des personnes habilitées à constater des infractions liées aux incivilités. Outre les agents communaux, on retrouve dans cette liste élargie, des fonctionnaires provinciaux et régionaux, des membres du personnel des intercommunales, des agents des sociétés de transport en commun, des agents d’entreprises de gardiennage et des membres de l’Agence du stationnement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Cette extension des pouvoirs des autorités communales se poursuit encore avec l’avant-projet de loi « relatif à l’approche administrative des nuisances publiques, des troubles de l’ordre public et de la criminalité », approuvé par le gouvernement en juin 2018*. Ce projet veut, d’après le gouvernement, « étendre considérablement les pouvoirs de sanction des administrations locales dans le cadre de l’ordre public et créer, par la même occasion, une base légale permettant d’attribuer des compétences au/à la bourgmestre dans le cadre de la lutte contre la criminalité de droit commun et la criminalité organisée, et plus précisément la criminalité subversive ». Cette dernière notion n’est pas définie par le gouvernement8. Ainsi, les bourgmestres pourraient soumettre l’exploitation de certaines activités à une obligation d’autorisation (« permis d’exploitation des établissements accessibles au public »), après réalisation d’une analyse de risques (une enquête de moralité et une enquête financière… réalisées par l’administration communale). Ce projet permettrait également aux bourgmestres de décider de la fermeture de bâtiments, et la durée de cette fermeture.

→ La levée du secret professionnel des travailleur·euse·s sociaux·ale·s

La modification du 03 aout 2017 du code d’instruction criminelle9 prévoit désormais une limitation du secret professionnel des travailleur·euse·s sociaux·ale·s dans le cadre de « concertation de cas » (art. 458ter : « Il n’y a pas d’infraction lorsqu’une personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets, communique ceux-ci dans le cadre d’une concertation organisée […]. Cette concertation peut exclusivement être organisée […] en vue de prévenir les délits visés au Titre Iter du Livre II  [les infractions terroristes, voir plus haut] ».
Les conditions de levée du secret professionnel visent donc également la prévention d’actes terroristes. Il est ainsi à prévoir, vu le caractère extrêmement extensif de ce nouvel objectif, que les concertations prévues se généralisent ; entraînant un potentiel climat de défiance entre une partie du public bénéficiaire, qui a a priori le droit fondamental au respect de sa vie privée, et le/la travailleur·s·e qui a le devoir de respecter la confidentialité. En outre, ces concertations s’effectueront en dehors de la présence de celleux qui livrent leurs secrets et sans leur accord, ainsi qu’entre professionnel·le·s aux missions et aux méthodes très différentes.

Le secret professionnel est un élément essentiel de l’équilibre des pouvoirs entre l’État et le/la citoyen·ne. Il rappelle et garantit que le pouvoir de la police et de la justice n’est pas absolu. Il est, également, une garantie du droit au respect de la vie privée, ainsi que du droit à l’aide médicale, psychologique et sociale. Rappelons également que le secret professionnel est une pièce essentielle du droit de la défense et que les brèches ouvertes par la levée du secret professionnel des travailleur·se·s sociaux·ale·s commandent la vigilance quant à la survivance du secret professionnel pour toustes les praticien·ne·s qui ont à le respecter (avocat·e·s, médecins, journalistes, etc).

Cette levée du secret professionnel participe aussi à la logique décrite plus haut qui veut élargir les moyens de la « prévention pénale », soit les moyens mis en œuvre pour prévenir la commission du fait délictueux. Et donc, non plus seulement la répression des crimes commis. Cet élargissement des moyens du volet préventif en matière pénale est problématique pour le respect de droits fondamentaux. Il tend également à renverser la logique en faisant potentiellement penser que chaque citoyen.ne peut progressivement être présumé·e coupable, avant de pouvoir être déclaré·e innocent·e.

→ La création des cellules de sécurité intégrale locale (CSIL)

Une application concrète de ce cas réside dans la création, par la loi du 30 juillet 2018, des Cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme, les « CSIL-R ». Elle vient dès le départ élargir la notion d’infraction terroriste prévue par la loi à la notion floue, indéterminée et vectrice de préjugés qu’est le radicalisme.
Les cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme (CSIL-R, créées en juillet 2018) sont des plateformes locales relevant de la compétence du/de la bourgmestre qui visent à rassembler tout service questionné par un cas de radicalisation et ceci dans le but de prévenir les infractions terroristes. Les cas qui peuvent être évoqués en CSIL peuvent aussi bien concerner des personnes majeures que mineures.

Selon le Rapport de la Commission de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique de la Chambre, « La CSIL est la plateforme où des professionnels des services de prévention sociale, l’administration et des acteurs sociaux organisent, au niveau local, des concertations de cas sur la radicalisation ».
La CSIL-R est composée obligatoirement du/de la bourgmestre ou de son/sa représentant·e, du/de la chef·fe de corps de la police locale ou de son/sa représentant·e et du fonctionnaire communal qui assure la coordination, le soutien et l’accompagnement des différentes mesures de prévention prises par la commune. Participent en outre à la CSIL-R, à l’invitation du/de la bourgmestre : les membres du personnel de la commune ou d’autres services qui travaillent au niveau communal et les membres des services relevant des compétences des Communautés et Régions. Peuvent donc potentiellement être invité·e·s : des travailleur·euse·s du CPAS, des professeur·e·s et responsables d’écoles, des acteur·rice·s de l’aide à la jeunesse ou de la protection de la jeunesse, des psychologues, des médecins intervenants dans des institutions communautaires ou encore des ministres du culte. Beaucoup de ces intervenant·e·s potentiel·le·s sont en principe tenu par le secret professionnel.

Le/la bourgmestre établit la liste des cas pour lesquels il existe des indices, non autrement qualifiés (par exemple de « sérieux ») selon lesquels certaines personnes se trouvent dans un processus de radicalisation et qui seront abordés au sein de la CSIL-R. Il faut pourtant rappeler que la notion de radicalisation n’est toujours pas définie en droit mais est, évidemment, vectrice de nombreux préjugés et fantasmes. Or, selon la loi (voir plus haut sur le secret professionnel), il n’y a désormais plus d’infraction en cas de divulgation d’informations en principe couvertes par le secret professionnel, relatives à des « indices » selon lesquels certaines personnes bénéficiaires du secret « se trouvent dans un processus de radicalisation ». Cette terminologie est beaucoup trop vague et ne permet pas aux détenteur·trice·s du secret visés de savoir de manière suffisamment précise s’iels commettent ou non une infraction en parlant ou en se taisant.

Le/la bourgmestre se base, pour dresser la liste, sur les informations qu’iel peut solliciter auprès de tous les services qu’iel estime pertinents, en ce compris les participant·e·s à la CSIL-R. Cela signifie que les informations partagées lors d’une réunion de cellule peuvent entraîner la saisine d’un cas supplémentaire. Si en effet, au cours d’une discussion, le cas d’autres personnes est évoqué, celles-ci peuvent à leur tour faire l’objet d’une concertation de cas.
Le/la chef·fe de corps de la police locale ou son/sa représentant·e peut aussi, après approbation par consensus par tous les membres participant effectivement à la réunion de la CSIL-R, communiquer une « fiche de feed-back » d’une personne dont le cas est soumis à la discussion, aux représentants de l’Organe pour la coordination de l’analyse de la menace (OCAM), de la police intégrée et des services de renseignement et de sécurité.

Le séjour des étranger·ère·s

La loi sur « l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers afin de renforcer la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale » (janvier 2017) introduit de nouvelles possibilités de retrait des titres de séjour et amoindrit considérablement les garanties prévues en matière de détention et d’expulsion des étranger·ère·s.

La loi prévoit ainsi la possibilité de retirer le titre de séjour et d’expulser des personnes étrangères, en ce compris des ressortissant·e·s européen·ne·s, en cas de « menaces à l’ordre public et à la sécurité nationale ». Cette possibilité concerne également les personnes étrangères nées en Belgique ou y résidant depuis de nombreuses années ; et ce, même si elles n’ont fait l’objet d’aucune condamnation pénale.

Cette loi ne définit pas clairement ce qui constitue une « menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale ». Le pouvoir d’appréciation est laissé au/à la Ministre compétent·e et à l’Office des étrangers sur base d’indices de dangerosité, qui ne sont, eux non plus, pas définis dans la loi. La marge d’appréciation laissée à l’Office des étrangers et à son/sa ministre de tutelle est considérable. Une marge d’appréciation d’autant plus grande que l’enquête par le parquet ou par un·e juge d’instruction est supprimée de la procédure de retrait de titres de séjour et d’expulsion. Tout comme le contrôle du juge. Désormais, toute personne en séjour légal peut être expulsée sans aucune condamnation d’un tribunal, en violation de la présomption d’innocence.

 

  1. 1.Voir par exemple à ce sujet, le rapport 2019 du Comité T : « Le respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : Un chantier en cours », www.comitet.be
  2. 2.Le ministère public occupe une place tout à fait spécifique dans l’organisation des pouvoirs qui en fait, en quelque sorte, une « charnière » entre l’exécutif et le judiciaire. Les membres du ministère public agissent comme des « procureurs », ils sont alors les représentants du pouvoir exécutif. Ils sont à ce titre placés sous l’autorité du ministre de la justice.
  3. 3.Il s’agit notamment, parmi de nombreuses autres, des lois dites « Pot-pourri » 1, 2, 3 et 4, votées sous la législature du Gouvernement de Charles Michel (de 2014 à 2018).
  4. 4.Une incrimination est une mesure de politique criminelle consistant,
    pour l’autorité compétente, à ériger un comportement déterminé en infraction.
  5. 5.Le principe de légalité renvoie de façon plus générale à celle d’État de droit. Il est le principe selon lequel l’activité de l’État doit se baser sur le droit. Elle peut être appréciée de plusieurs façons selon la branche du droit considérée. Le principe de légalité en droit pénal indique que le droit pénal ne peut pas réprimer un comportement sans que l’interdiction n’ait été préalablement et clairement établie par la loi.
  6. 6.Les exemples repris ici viennent s’ajouter, sans la compléter, à la liste de ceux déjà présentés
    dans les autres fiches, comme le déploiement des militaires en rue, la directive sur la conservation
    des données électroniques, la déchéance de nationalité ou encore l’incitation indirecte au terrorisme.
  7. 7.Sharia4Belgium était une organisation belge dissoute en 2012 qui appelait et militait pour que
    la Belgique devienne un « État islamique » régulé par la Charia (la loi islamique), ou en tout cas l’interprétation que ce groupe en fait. L’organisation Sharia4Belgium a souvent manifesté dans l’espace public
    en scandant des propos controversés et illégaux (notamment dans l’appel au meurtre, racisme, etc).
  8. 8.https ://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20180622/approche-administrative-des-nuisances-publiques-des-troubles-de-l-ordre-public
  9. 9.introduction de l’article 458ter du code pénal