Terrorisme
en questions ?

Tous des fanatiques !

Instrumentalisations politiques

Il parait que « expliquer, c’est déjà un peu excuser ». Pour qui ne veut comprendre, il est bien commode de ranger tous les terroristes dans la catégorie « fanatique ». Selon le dictionnaire Larousse, le fanatisme désigne le « dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à l’intolérance religieuse ou politique et conduit à des actes de violence ». Une définition qui ne semble pas convenir à tous ceux qui ont été un jour dépeints comme des terroristes.

Les terroristes ne sont pas toujours ceux que l’on croit…

L’histoire contemporaine du « terrorisme » peut comporter quelques surprises. Voici quelques exemples de ceux qui ont été, à un moment ou à un autre, étiquetés « terroriste » :

  • Gandhi

Il s’est battu pour l’indépendance de l’Inde au début du XXème siècle. Il est toujours resté fidèle au principe de la désobéissance civile en s’engageant dans une résistance passive et non violente face à l’oppression. Il développe même sa propre vision de la résistance non violente qu’il nomme Satyagraha.

Dans un document datant de 1932 et intitulé « Taken to counteract the civil disobedience movements and to deal with the terrorist movement in Bengal », la Chambre des Communes anglaise a dépeint Gandhi comme un « terroriste » et s’est référé à son mouvement comme un « mouvement terroriste ».

  • Les Résistants de la Seconde Guerre mondiale

 

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Résistants volaient des armes, faisaient sauter des voies ferrées, tendaient des embuscades aux soldats allemands et ont organisé des attentats contre des représentants du régime nazi, ainsi que des collaborateurs.

Dans sa propagande, le régime nazi tente de délégitimer les résistants en les assimilant à des terroristes. « L’Affiche rouge » de février 1944 est un exemple connu de cette propagande. Placardée sur les murs des grandes villes de France et reproduite sur des tracts distribués dans les rues, cette affiche, commanditée par les nazis, présente les portraits de dix résistants qui vont être fusillés. Elle vise à démontrer à la population française, que ces hommes ne sont pas des libérateurs mais des terroristes.

  • Nelson Mandela

Président de l’Afrique du Sud de 1994 à 1999 et Prix Nobel de la Paix, Nelson Mandela est une figure emblématique de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

Il lutta durant de longues années de façon non-violente au sein de l’ANC1. Face à la répression, il crée en 1961 la branche militaire de l’ANC sous le nom de Umkhonto we Sizwe, qui mène une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires. Arrêté l’année d’après, il restera emprisonné durant 27 ans.

Dans les années 1980, l’administration Reagan place Nelson Mandela et l’ANC sur sa liste noire du terrorisme. Ce n’est qu’en 2008 que le nom de l’ancien président sud-africain et de son organisation ont été retirés de la liste étatsunienne des personnes et organisations terroristes. Certain(e)s hommes et femmes politiques européen(ne)s ont également souscrit à cette vision. En 1987, Margaret Thatcher qualifiait l’ANC d’« organisation terroriste typique », et avait assuré : « Quiconque pense que l’ANC gouvernera en Afrique du Sud n’a pas les pieds sur terre.2 »

  • Le Mouvement BDS

BDS « Boycott, Desinvestissement, Sanctions » est un mouvement global initié en 2005 par la société civile palestinienne. Ce mouvement non violent appelle au boycott, au désinvestissement et à la prise de sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les droits des Palestiniens.

 Derrière ce mouvement se trouvent les responsables du 11-Septembre, des attentats de Madrid et Londres et des 250 000 personnes tuées en Syrie

Yair Lapid, ex-ministre des finances israélien

« Toutes les formes de lutte contre l’occupation illégale de la Palestine qui dure depuis des décennies sont systématiquement qualifiées de « terrorisme » par Israël (…). Tout indique donc qu’il n’y a aucun moyen qui puisse être considéré comme une forme légitime de résistance à l’occupant israélien3. »

Glenn Greenwald, journaliste à The Guardian

  • L’ALF (Animal Liberation Front)

Apparu au milieu des années 1970 en Grande-Bretagne, l’ALF a pour objectif de mettre fin aux souffrances animales et à l’exploitation intensive des animaux. Plusieurs branches existent aujourd’hui dans de nombreux pays principalement en Amérique du Nord et en Europe, sans que des liens organiques existent entre eux. Privilégiant l’action directe et généralement illégale, ses activistes multiplient les actions de sabotages, d’incendies et de libération d’animaux. Ces actions sont généralement dirigées contre des laboratoires pratiquant les tests sur les animaux, des fermes ayant recours à l’élevage intensif ou d’autres lieux, à leurs yeux, peu soucieux ou représentatif de la souffrance infligée aux animaux.

Le FBI considère l’écologie radicale comme la deuxième menace terroriste la plus importante après le fondamentalisme islamique. Selon le FBI, cela inclut l’ALF qui est donc considéré comme un « groupe terroriste dont le but est d’atteindre un changement social et politique par l’utilisation de la force et de la violence ».

  • Les lanceurs d’alertes

Parmi ceux-ci, Edward Snowden est l’un des plus connus. En juin 2013, il révèle un programme de surveillance massif du gouvernement américain. Cette fuite d’information, l’une des plus importantes de l’histoire des Etats-Unis, a provoqué un vif débat sur la protection de la vie privée et les dérives de la surveillance massive. Il est aujourd’hui réfugié en Russie.

I think turning over a lot of that material — intentionally or unintentionally — drained, gave all kinds of information, not only to big countries, but to networks and terrorist groups and the like.

Hillary Clinton

En 2010, Julian Assange, le fondateur de Wikileaks a également été désigné comme un « terroriste Hi-tech » par Joe Biden, vice-président des Etats-Unis à l’époque.

Il s’agit de situations dans lesquelles la violence a été planifiée, commanditée ou complaisamment ignorée par un Etat. A titre d’exemple, on peut citer la Terreur instaurée par Robespierre à la suite de la Révolution française. Mais l’utilisation de la terreur par l’Etat n’appartient pas uniquement à l’histoire et reste une technique mise en place par certains gouvernements encore à l’heure actuelle…

  • Et bien d’autres encore

Bien d’autres encore pourraient apparaître dans cette liste : Che Guevara, Yasser Arafat, les Pussy Riot, … mais aussi Anders Breivik, le Ku Klux Klan, ou encore l’ETA et certains mouvements se revendiquant anarchistes, de la gauche radicale ou de l’écologie radicale. La liste des « terroristes » est longue et sa composition dépend bien souvent d’intérêts politiques ou d’un point de vue spécifique. Une telle catégorisation contribue également à une vision manichéenne du monde sous la forme d’un « nous » contre « eux », le « camp du Bien » contre le « camp du Mal ».

… Une prise de recul critique est donc nécessaire !

La liste est longue, variée et parfois étonnante, on y retrouve par exemple de fervents défenseurs de la non violence. Cette diversité des exemples pousse à se poser quelques questions sur ce que le mot « terroriste » veut dire mais aussi sur ce que le choix de son utilisation implique, dans le chef de celui qui désigne, tout comme pour celui qui est désigné et son combat.

  • Une étiquette qui délégitime

L’étiquette « terroriste » a pour effet de délégitimer de facto le combat et les intentions en décourageant toute tentative de compréhension. Le « terroriste » est ainsi assimilé à un fanatique au comportement déviant et irrationnel. Pourtant, en refusant ainsi de comprendre ses motivations, nous nous empêchons de rechercher et d’agir sur les causes qui l’ont poussé à commettre un acte terroriste.

  • Une frontière poreuse entre terroriste et combattant de la liberté

Le terroriste de l’un sera souvent le combattant de la cause juste d’un autre. La frontière entre les deux est ténue, dépend du point de vue adopté et de l’issue de l’affrontement. Aucun groupe ne se considère soi-même comme terroriste et ce sont avant tout ses opposants qui utilisent ce terme. Par ailleurs, le terrorisme est le plus souvent l’arme des opprimés, des faibles, de ceux qui n’ont pas les moyens du conflit ouvert ou qui n’ont plus rien à perdre. Dans une telle situation, le recours à la violence peut apparaître comme le seul moyen, la dernière solution pour résister, une solution par défaut. Même la posture non violente est alors assimilée à de la passivité, voire à une forme de complicité à l’oppression subie ou perçue. Elle est réduite à une simple posture morale ; tandis que le recours à la violence, devient une réponse à la violence exercée par la figure construite de l’oppresseur.

  • Le terroriste c’est l’Autre

Actuellement, dans le langage médiatique et politique, le mot « terroriste » s’applique plus facilement à ceux qui se revendiquent de l’Islam pour justifier leurs actes. En effet, l’exigence du direct et le besoin d’expliquer à tout prix et rapidement poussent souvent aux raisonnements hâtifs et à qualifier certains actes de terroristes avant même de connaître les motivations de l’auteur. D’autres attaques terroristes poursuivant des agendas politiques différents n’ont pourtant pas toujours fait l’objet d’un tel élan à être qualifié comme tel, on parlera alors plutôt de l’acte d’un déviant, d’un déséquilibré, voire d’un psychopathe. Ce traitement médiatique joue un rôle important dans la perpétuation d’une certaine idée de l’Autre comme représentant une menace.

  1. 1.Congrès National Africain
  2. 2.http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/12/06/liste-noire-quand-mandela-etait-considere-comme-un-terroriste-par-langleterre-et-les-etats-unis/
  3. 3.GREENWALD Gleen, Terrorisme ou légitime résistance à l’occupation israélienne ?, dans Orient XXI :http://orientxxi.info/magazine/terrorisme-ou-legitime-resistance-a-l-occupation-israelienne,1298,1298